D. Les maladies virales, bactériennes et fongiques associées.

Comme nous l’avons vu, les plaies provoquées par les effractions de la cuticule de l’abeille par le parasite sont une voie d’entrée des germes (principalement virus et bactéries), qui sont source d’infection, aggravée par la spoliation des réserves nutritionnelles de l’abeille parasitée17. Comme nous l’avons vu précédemment, la présence de varroa est responsable de nombreuses infections virales de la colonie. C’est son action vectrice, par injection de virus dans le corps de l’abeille. De plus, varroa a un effet d’activateur de la réplication virale chez l’individu parasité, du fait de sa spoliation et donc de son affaiblissement. Plusieurs maladies virales des colonies sont induites par la présence de varroa dans la ruche9,18 (Wilfert, 2016).

DWV (Deformed Wing Virus) : Virus des ailes déformées. Isolé pour la première fois en 1977 et toujours corrélé à une infestation par Varroa destructor, c’est l’un des virus de l’abeille les plus étudiés. Il s’exprime par une mortalité des nymphes et par l’émergence d’abeilles aux ailes déformées et petites, dans l’incapacité de voler, à l’abdomen raccourci, décoloré et lisse. Les colonies infectées qui expriment la maladie ont des charges virales très supérieures à celles des colonies n’exprimant pas la maladie. Dans les colonies qui n’ont pas encore été infestées par varroa, le virus est présent, mais avec une diversité génétique d’environ 10 variants par colonie et avec une charge virale basse. Après infestation, un seul variant prédomine et sa charge virale est de l’ordre du million de fois supérieure dans la ruche. Le virus va provoquer une chute progressive de la population d’abeilles de la colonie et est impliqué dans les mortalités hivernales. Il n’y a pas de traitement anti-viral, mais la conduite à tenir en cas de constatation des symptômes de la maladie, c’est d’abord le contrôle et le traitement contre varroa14,16,17.

Abeille aux ailes déformées

KBV (Kashmir Bee Virus) Virus du Cachemire – ABPV (Acute Bee Paralysis Virus) Virus de la paralysie aiguë – IAPV (Israeli Acute Paralysis Virus) Virus israelien de la paralysie aiguë :  Complexe de trois virus très proches, inoculés par la ponction d’hémolymphe de l’abeille par varroa. L’ABPV est impliqué dans les mortalités hivernales des colonies. Il s’exprime par une mortalité assez brutale des abeilles, sans symptôme particulier, et par une apparence de couvain mal entretenu par manque d’ouvrières. La conduite à tenir est la lutte contre la varroose. Une présence de varroa trop importante en automne réduira la longévité des abeilles d’hiver et augmentera le risque de mortalité hivernale de la colonie.

SBV (SacBrood Virus) Virus du couvain sacciforme : On le retrouve surtout en présence de varroa, mais pas toujours. Comme son nom l’indique, la maladie s’exprime par une mortalité du couvain en forme de sac. La larve s’affaisse et s’étend contre la paroi de l’alvéole, elle prend une coloration jaunâtre et une accumulation de liquide clair apparaît dans sa partie postérieure qui prend la forme d’un sac. Ce liquide devient ensuite granuleux. La larve se dessèche progressivement à partir de la tête en prenant une couleur brune puis noircit en formant une écaille incurvée en forme de barque. L’apparence du couvain est mosaïque et le comportement de l’abeille adulte est modifié, elle s’occupe moins du couvain. Cette baisse du comportement hygiénique de l’ouvrière réduit la circulation du virus en réduisant les contaminations. La guérison est en général spontanée après une baisse d’activité de la colonie. Les jeunes abeilles sont les plus réceptives au virus. Elles se contaminent en s’occupant du couvain, deviennent porteuses saines et contaminent toute la ruche par le biais des échanges avec les autres ouvrières.

Lésion de sacbrood en présence de 2 varroas

SBPV (Slow Bee Paralysis Virus) Virus de la paralysie lente : C’est un virus dont la contamination se fait par voie orale et le plus souvent en présence de varroa. Il est souvent asymptomatique, mais peut, surtout potentialisé par varroa, provoquer des symptômes de paralysies des deux premières paires de pattes après une dizaine de jours d’incubation, puis la mort de l’abeille survient deux jours après le début des symptômes.

Les maladies bactériennes et fongiques sont aussi favorisées par une infestation à Varroa destructor24. Les loques (européenne et américaine) s’expriment davantage dans un contexte de colonie parasitée. Les ruches atteintes de varroose perdent de leur vigueur, le comportement des ouvrières est altéré, le nombre d’abeilles de la colonie est réduit et le caractère hygiénique diminue en même temps que les défenses s’amoindrissent. C’est bien évidemment la porte d’entrée à toute pathologie infectieuse, parasitaire ou même au pillage et à la dérive, avec tout ce que cela comporte de risque sanitaire pour les colonies voisines ou le rucher voisin. L’exposition à tout facteur de stress supplémentaire, physique ou chimique (météo très défavorable, intoxications…) est d’autant plus aggravant que les réserves ne sont pas toujours suffisantes au repeuplement de la colonie et à sa survie24.

Signes cliniques d’une colonie atteinte de varroose:

Nous avons vu qu’en fonction de la charge en varroa, une certaine proportion d’abeilles est porteuse du parasite. Cette proportion augmente avec le niveau d’infestation.

Si le niveau d’infestation est faible, il n’y aura pas de signe clinique de parasitisme visible sur la colonie. La varroose peut encore passer inaperçue.

Si le niveau d’infestation est moyen ou modéré, la croissance de la population d’ouvrières de la colonie est déjà impactée, et la production de miel est sensiblement réduite (voir schéma ici). Des conséquences désastreuses peuvent alors apparaître : sachant que la population de varroa continue de croître et qu’elle impacte la croissance de la population d’abeilles, on peut atteindre rapidement des niveaux d’infestation importants qui fragilisent une grande proportion d’ouvrières. Ces dernières ne participent pas normalement au fonctionnement de la colonie dont la productivité diminue et la sensibilité aux germes pathogènes augmente. Les signes cliniques que l’on peut alors observer sont : une mortalité anormale, des abeilles incapables de voler et qui se traînent, des ailes déformées, des corps noirs et sans poils, ainsi qu’un couvain mosaïque et peu soigné. La ruche se dépeuple plus ou moins rapidement. Les réserves de miel et de pollen sont anormalement importantes par rapport à la population présente dans la colonie et les maladies associées peuvent apparaître (loques, viroses, couvain plâtré…).