C. Le carrefour de la saison et le risque lié à varroa
Durant le printemps et l’été, chaque abeille nourrice s’occupe de plusieurs larves du couvain. En fin d’été, cette proportion d’une nourrice pour plusieurs larves évolue et la nourrice ne s’occupe plus que d’une seule larve à la fois. En effet, à ce moment-là, de plus en plus d’abeilles de la colonie s’orientent vers un état d’abeille d’hiver. Le fait de ne s’occuper que très peu ou pas du couvain, leur permet de préserver leurs réserves en vitellogénine et leur longévité hivernale12.
En réalité, les abeilles d’hiver sont très peu actives dans la ruche. Elles s’économisent durant toute la période hivernale. Leur rôle est de constituer une grappe hivernale dense, qui lutte contre le refroidissement et protège la reine et l’ensemble de la colonie, en attendant les premiers jours de beau temps au printemps. Comme on l’a vu, elles ont un rôle de nourrice très limité, voire inexistant et ne butinent pas.
Toute l’importance de l’abeille d’hiver est liée à sa longévité et à sa capacité au redémarrage en début de saison, pour relancer l’activité de la colonie. Son rôle est primordial ; elle doit assurer l’hivernage et élever le premier couvain de printemps, dès le redémarrage de la ponte de la reine, pour assurer la relève qui constituera les premières réserves de miel et de pollen de la ruche. C’est au moment de l’élevage du premier couvain que l’abeille d’hiver consommera l’essentiel de ses réserves de vitellogénine.
En effet, au printemps, l’abeille sort de son hivernage durant lequel elle s’économisait. Elle démarre une activité de nettoyage, d’élevage du couvain et ses vols de propreté ; elle consomme donc ses réserves protéiques et connaît des besoins accrus en énergie en fin de période hivernale.
La qualité de la récolte qui s’en suivra, réalisée par les premières abeilles émergentes au printemps (qui ont été élevées par les abeilles d’hiver) est directement liée à l’état sanitaire de la colonie à la sortie de l’hiver, qui est une conséquence de la vitalité des abeilles ayant réalisé l’hivernage. La survie de la ruche dépend donc de la vitalité des abeilles qui ont réussi à passer l’hiver et bien sûr de leur nombre. Cette capacité est directement corrélée aux conditions d’entrée en hivernage.
Une partie des abeilles d’hiver seront mortes avant le printemps, et d’autres auront survécu : celles qui ont eu une activité de nourrice à l’automne auront moins de chances de passer l’hiver et d’avoir une activité de printemps.
Leur longévité est raccourcie par l’activité d’automne et leur consommation d’une partie de leur réserve de vitellogénine12. Si en plus, la gestion de la varroose n’est pas réalisée ou mal réalisée, la colonie sera trop faible pour redémarrer une récolte de nectar ou de pollen. Parfois, encore trop souvent, la colonie est entièrement morte au printemps. A moins de 1000 à 1500 individus, une colonie n’est pas capable de redémarrer une miellée et est vouée à mourir.
A la mi-juillet, commencent à se développer les premières larves qui seront les nourrices des abeilles d’hiver. C’est à ce moment-là qu’il faut commencer à s’inquiéter de la présence de varroa et du niveau d’infestation, car un affaiblissement ou des malformations sur ces nourrices auront des conséquences majeures sur le capital-vie des abeilles d’hiver.
En effet, si les futures nourrices sont parasitées par varroa, elles n’auront pas la capacité de nourrir et d’élever des larves de façon optimale car elles seront affaiblies par la spoliation de leur hémolymphe par varroa (Wendling, 2012. Aronstein, 2012).
D’autant plus que leur poids est plus faible à l’émergence et leurs glandes hypopharyngiennes sont plus petites, ce qui altère la qualité de la gelée nourricière qu’elles donneront aux larves de la génération suivante que seront les abeilles d’hiver.
Ces larves qui vont émerger auront alors une durée de vie plus courte et une moindre facilité à arriver au bout de la période hivernale, surtout si celle-ci se prolonge avec une météo défavorable.
Il faut savoir aussi que lorsque la population d’abeilles diminue dans la ruche, dans le même temps, le nombre de varroa ne diminue pas. Il s’ensuit inexorablement une augmentation de la quantité d’abeilles parasitées et de la pression parasitaire au sein de la colonie. Ce n’est pas négligeable et ne fait qu’amplifier les conséquences de la spoliation des abeilles sur leur longévité et leur vitalité, d’autant plus que l’infestation par varroa réduit notablement la longévité des ouvrières12,23.