b. Le médicament : comment interpréter une notice d’utilisation ?

Il faut savoir que pour être commercialisée, une spécialité pharmaceutique doit obtenir préalablement une autorisation de mise sur le marché (AMM).

L’AMM est demandée par un laboratoire pharmaceutique, pour sa spécialité, sur la base d’un dossier comportant des données de qualité pharmaceutique, d’efficacité et de sécurité, dans l’indication revendiquée.

Le sujet de la qualité pharmaceutique est développé dans le chapitre des huiles essentielles.

L’indication (sous-entendu l’effet thérapeutique recherché), est l’effet qu’on attend du médicament sur la maladie ou le parasite, cible du traitement.

En ce qui nous concerne, on va parler du traitement de la varroose chez l’abeille.

Les données de qualité pharmaceutique, d’efficacité et de sécurité du dossier d’AMM sont issues notamment des expérimentations conduites chez l’animal et d’essais cliniques, selon des normes fixées internationalement et harmonisées au niveau communautaire.

L’évaluation des effets thérapeutiques du médicament au regard des risques pour la santé du patient doit être jugée favorable (rapport bénéfice/risque favorable) : dans notre cas, tuer ou nuire à varroa sans altérer la santé des abeilles ou la qualité des produits de la ruche.

L’AMM est accompagnée :

– du Résumé des caractéristiques du produit (RCP) dénomination du médicament, composition, forme pharmaceutique (une gélule, un comprimé, un liquide, une poudre à diluer…), les contre-indications, les précautions d’emploi, les effets indésirables…

– de la notice : qui équivaut à une version « simplifiée » du RCP

de l’étiquetage qui comprend notamment des informations nécessaires pour identifier le médicament (nom du médicament et de la substance active, dosage, forme pharmaceutique…, d’autres informations concernant son utilisation (date de péremption, conditions de conservation, …)

 

Quelle est l’intérêt de toutes ces données ?

Elles nous permettent d’analyser et de comprendre le mode d’action du médicament, la forme et la technique d’application, le moment idéal pour l’utiliser, les risques et les contre-indications…

Beaucoup de « recettes » circulent pour lutter contre varroa, parfois qualifiées de compléments alimentaires ou stimulants, souvent sans détails de leur composition …Le soucis majeur étant que l’apiculteur qui utilise cette recette pense effectuer une vraie gestion du varroa.

Certaines « recettes » concernent aussi l’usage détourné de médicaments destinés à une autre espèce animale ou végétale.

Ces méthodes sont néfastes à plusieurs points de vue.

Premièrement parce qu’elles peuvent nuire directement à la santé des abeilles :

Les mélanges artisanaux (qu’ils soient chimiques ou naturels) sur des supports improvisés ne permettent pas la diffusion d’une dose exacte et connue de la molécule, les abeilles peuvent alors être mises en contact trop rapidement avec la molécule et en subir les effets secondaires.

Deuxièmement parce qu’elles peuvent se révéler inefficaces dans la lutte contre le parasite.

Pour les mêmes raisons de dose et de diffusion, le médicament qui va atteindre varroa peut se révéler trop sous dosé ou d’une durée d’action trop courte dans le temps, et le parasite ne sera pas tué. Mais étant mis en contact avec un médicament à faible dose ou pendant un laps de temps trop court, il pourra commencer à s’y habituer ! On aborde la notion de résistance.

On pense évidemment au risque pour l’utilisateur qui s’improvise fabricant de médicament, souvent sans aucune protection. Certaines substances sont dangereuses par contact ou par inhalation.

L’origine et la qualité des substances utilisées sont rarement vérifiées et surement pas garanties pour cette utilisation.

Et pour le consommateur : on court le risque de contaminer les denrées alimentaires issues des abeilles (miel, gelée royale, cires,) avec ce type de « recettes » pour lesquelles aucun « temps d’attente » n’a été calculé.

 

Lire et comprendre le résumé des caractéristiques d’un produit (la RCP) :

(Exemple de l’Apilife Var (issu du site http://www.ircp.anmv.anses.fr/rcp.aspx) et de l’acide oxalique.)

La copie de page internet suivante vous donne le début de la RCP de l’Apilife var, toutes les RCP de médicaments sont basées sur le même profil et sont disponibles sur le site de l’ANSES.

Que va nous apprendre la suite de la lecture du RCP ?

Un premier point notable si on cherche un traitement contre varroa est de vérifier si c’est ce cas pour le médicament prescrit : sur le RCP, il sera noté traitement de la varroose (ou varroase) dans l’espèce cible abeilles (apis mellifera).

Les mises en garde d’utilisation et les précautions à prendre

Elles nous apportent des indications importantes sur les conditions d’utilisation du médicament.

Effets indésirables (fréquence et gravité)

Comme indiqué, on y apprend les effets indésirables connus que le médicament peut occasionner à l’abeille ou à la colonie : de la simple perturbation à des mortalités d’abeilles, des remérages, les risques pour le couvain

Souvent, cela nous donne aussi les conditions extrêmes pouvant aboutir à la mort de la colonie. Un exemple concret ; un produit devant être utilisé à des T° allant de 10 à 29,5° a vu la mort d’une colonie à 37,5°.

Important car ce chapitre parfois bien détaillé, nous donne des critères de surveillance des colonies traitées.

Interactions médicamenteuses et autres formes d’interactions

Cette information peut se révéler importante, si des traitements successifs doivent être appliqués par exemple, l’association de certaines molécules peut se révéler néfaste.

Il est régulièrement indiqué de ne pas utiliser le médicament simultanément avec d’autres acaricides contre la varroose.

Posologie et voie d’administration

Point primordial, c’est le mode d’emploi pour utiliser correctement le produit, en quelle quantité, où le placer, pour quelles colonies, à quelle T°, quand, combien de temps…

C’est la partie la plus fréquemment retranscrite sur les ordonnances.

La forme pharmaceutique indique la présentation du médicament, souvent, les médicaments sont distribués en étant incorporés à un support de diffusion, lanières, plaquettes (cas de l’Apilife var). Dans ce cas, ils sont prêts à l’emploi et il suffit de respecter strictement l’application prescrite.

Parfois, une préparation est nécessaire avant l’utilisation (mélange à un sirop par exemple) ou du matériel est nécessaire pour obtenir leur diffusion, il faut impérativement suivre les recommandations fournies faute d’obtenir l’effet souhaité. A noter aussi que certaines molécules sont présentes dans différents médicaments avec des posologies ou des modes d’emploi différents ; toujours relire la notice pour vérifier.

Un même médicament peut présenter des modes d’emploi différents, c’est le cas de l’acide oxalique, attardons-nous sur ses particularités

Pour en savoir plus sur l'acide oxalique

L’acide oxalique

L’acide oxalique est un constituant naturel du miel et de nombreux végétaux (rhubarbe, épinard, betterave rouge,) (Charrière et al, 2001). L’acide oxalique est une molécule non volatile hydrosoluble (se dissout dans l’eau). De par ses propriétés chimiques, cette molécule est retrouvée facilement dans le miel. Cependant, lorsque le traitement est réalisé suivant les recommandations, les valeurs détectées dans les miels sont du même ordre de grandeur que les valeurs retrouvées naturellement. Les mesures réalisées ne montrent pas d’accumulation de cette substance dans la cire (Wallner, 1999).

Cette molécule existe aujourd’hui en France sous forme de médicaments avec AMM. L’un d’eux sous forme de poudre à mélanger avec du sirop ou à utiliser avec un sublimateur.

Médicament à ne délivrer que sur ordonnance devant être conservée pendant au moins 5 ans, Liste II. (Voir prescription)

L’acide oxalique est appliqué soit par égouttement (application du produit en goutte à goutte entre les cadres de ruches)

Égouttement d'une solution d'acide oxalique (dans un sirop 50/50) lors d'un traitement de rattrapage hivernal

Soit par sublimation (passage de l’état solide de la poudre à l’état gazeux dans la ruche grâce à un diffuseur) (voir lien plus bas), ou encore par pulvérisation d’une solution aqueuse sur les abeilles qui se tiennent sur les rayons, cette troisième méthode n’est pas reprise dans l’AMM du médicament disponible en France.

Même médicament, trois applications différentes connues.

Pour l’égoutter, il faut mélanger la poudre à un sirop de nourrissement, la concentration est spécifiée et à respecter.

Concernant la diffusion de l’acide oxalique par un sublimateur, la RCP précise d’utiliser un appareil à résistance électrique pour la sublimation. Voir la liste jointe des matériels existants.

Un point important, il est noté délaisser refroidir et nettoyer l’appareil après utilisation pour en retirer tout résidu éventuel (max 6 %, environ 0,140 g). Utiliser de l’eau potable pour le refroidir et/ou le nettoyer

On peut estimer à plus de 4 grammes la production de déchets par trente ruches traitées,sans nettoyage régulier, la coupelle de diffusion va s’encombrer. Bien y penser lors du choix du matériel de sublimation (se renseigner sur la facilité du nettoyage, des différences existent). Ce point a été signalé par des apiculteurs utilisant la sublimation.


Liens pour différents types de diffuseurs d’acide oxalique :

BioLetalVarroa Subl:   http://www.bioletalvarroa.it/ita/index.html

Varrox :                         http://ilpungiglione.org/ecommerce/it/salute-dell-alveare/246-fornelletto-varrox.html

Oxalika:                         http://www.talitha-info.com/

Sublimox:                     https://www.icko-apiculture.com/fr/sublimox.html


La lecture complète de la RCP permet d’intégrer les avantages ou inconvénients des méthodes d’application, ici il faut intégrer un temps de nettoyage en plus de la durée d’application du produit. Cette contrainte n’a pas lieu avec l’égouttement par exemple.

On est bien sur un médicament avec AMM, garantissant une qualité pharmaceutique avec un contrôle des matières premières et de la qualité des produits. (ANSES. ANNEXE à la décision n° 2015-03-07)

 

Particularité principale :

Il nécessite une absence de couvain pour atteindre sa meilleure efficacité, c’est pourquoi il est souvent utilisé en traitement hivernal (complémentaire à un traitement d’été), dans les pays ayant un climat favorisant une rupture de ponte à cette période.

Pour obtenir cette rupture de ponte, des mesures biotechniques (encagement de reine, production d’essaims) sont également utilisées.  (Les moyens de lutte alternative).

La concentration du produit et de sirop utilisé pour obtenir le meilleur effet sans nuire aux abeilles sont sujets à certaines différences régionales (nord et sud de l’Europe par exemple). (Fries et al 1999).

Si certaines études ont montré un impact de l’acide oxalique sur les abeilles, les reines ou le développement de la colonie, des mortalités d’abeilles sont observées après l’application du traitement en hiver (Higes et al, 1999) (Charrière et al, 1999), le bénéfice de son utilisation est aujourd’hui largement admis et la molécule est souvent citée comme traitement accompagnant les mesures de lutte biotechniques. (Fries et al 1999). (Voir lutte alternative).

Aucun phénomène de résistance du parasite à cette substance n’a à ce jour été décrit (Le Conte et al, 2010). Le mécanisme d’action de l’acide oxalique sur varroa n’est pas entièrement élucidé.

Le temps d’attente pour le miel est de zéro jour, on traite en dehors des miellées et sans hausse.

On revient au RCP :

Temps d’attente

C’est le délai autorisé entre l’utilisation du médicament dans son indication pour la colonie et la possibilité de réutiliser les denrées issues de cette colonie en vue de leur consommation.

Pour les abeilles, c’est le miel qui est cité. Voir les bonnes pratiques d’utilisation du médicament vétérinaire.

 

Propriétés pharmacologiques

Cet encart donne les propriétés générales de la molécule et son groupe thérapeutique (acaricide, insecticide)

Dans ces propriétés, on parlera de la pharmacodynamie, c’est-à-dire l’étude détaillée de l’interaction entre la substance active et sa cible et les effets que le principe actif produit sur l’organisme (perturbation nerveuse, métabolisme modifié…)

Également comment il l’atteint (contact, fumigation, action des vapeurs) ; ce qui implique la bonne utilisation du traitement.

Certains modes d’action ne sont pas complètement élucidés (cas des acides organiques par exemple) mais de nombreuses études viennent conforter ces modalités d’utilisation. (Fries et al 1999). (Higes et al, 1999) (Charrière et al, 1999).

La pharmacocinétique du médicament nous indique sa façon d’évoluer dans le temps chez les abeilles ou dans la colonie, comment il se dégrade et les résidus qui peuvent apparaître, ces propriétés ne sont pas toujours connues.

La pharmacocinétique nous renseigne par exemple sur la lipophilie d’un produit (attractivité pour les graisses) et donc le risque de le retrouver dans les cires par exemple. S’il est hydrophile (attractivité pour l’eau), il y a moins de risque de le voir s’accumuler dans les cires.

Est-il volatile ? C’est important pour son utilisation et le risque d’inhalation par exemple.

 

Molécule chimique de synthèse ou naturel ?

Pas toujours noté en tant que tel, mais les informations peuvent être trouvées dans la partie caractéristiques pharmacocinétiques du RCP.

On distingue les molécules chimiques de synthèse (obtenues par fabrication en laboratoire) des substances dites naturelles, issues du milieu naturel et pouvant être d’origine végétale, animale ou minérale.

C’est important notamment pour les taux d’efficacité attendus et les résidus issus des traitements. (L’efficacité/La résistance/La pharmacovigilance).

Les médicaments à base de substances naturelles doivent avoir une autorisation de mise sur le marché (AMM) selon la même procédure que les produits de synthèse. (Voir également le chapitre sur les huiles essentielles).

Les trois principales substances naturelles utilisées dans la lutte contre varroa peuvent être retrouvées aussi dans le miel. Ce qui va influencer le niveau de résidus autorisés suite à un traitement.