e. L’efficacité/La résistance/La pharmacovigilance
L’efficacité et la résistance
Quand on utilise un médicament dans le cadre de la lutte contre un parasite, on espère une efficacité du traitement ; donc de tuer les parasites présents en quantité suffisante pour que l’hôte ne soit plus en danger ou incommodé par sa présence.
On espère aussi que le parasite en question ne sera pas résistant au traitement qu’on utilise. La résistance d’un parasite se manifeste par sa tolérance (sous-entendu sa survie) à un traitement, appliqué à une dose qui est sensée le tuer.
Il ne faut pas confondre les deux !
Comment mesure-t-on ces deux indices en ce qui concerne varroa ?
- Pour l’efficacité
On applique un traitement, on compte le nombre de parasites morts suite à ce traitement qu’on compare à la population restante. Ce qui nous donne un pourcentage d’efficacité, le nombre de parasites tués comparés au nombre de parasites survivants.
Formule :
Nombre de parasites morts / Nombre de parasites morts + nombres de parasites restants.
Exemple, efficacité 100%, tous les parasites de la population de départ sont morts, 50%, la moitié des parasites sont morts…
En pratique, à l’efficacité il faut ajouter la rapidité d’action du produit, elle a son importance puisqu’on veut empêcher que le parasite ait le temps d’occasionner des dégâts à son hôte. Il est donc primordial que le médicament agisse rapidement.
Ces tests peuvent être réalisés en laboratoire, les conditions sont standardisées.
En complément, la Fnosad (fédération nationale des organisations sanitaires apicoles) organise chaque année des suivis d’efficacité en France, en conditions réelles (sur le terrain), réalisés par des apiculteurs et publie les résultats consultables chaque année dans le magazine « La santé de l’abeille ».
- Pour la résistance
Elle est mesurée en laboratoire, en appliquant le produit à tester (à différentes doses) et en vérifiant si les parasites meurent dans un délai imparti
Sans entrer dans les détails de la procédure, il faut noter que ces tests sont réalisés en laboratoire, pas dans un contexte de colonie en pleine activité, avec du couvain, des abeilles, des variations de climat…
On imagine aussi la lourdeur des tests, à commencer par les prélèvements des varroas vivants, qui seront soumis aux tests, les expérimentations…
Ces tests permettent déjà de vérifier si le parasite est sensible ou pas au médicament vérifié, s’il survit, on parle de résistance.
Sur le terrain on entend parler de manque d’efficacité, d’échec de traitement ou de résistance.
Qu’entends l’apiculteur par un échec de traitement ?
On pourrait le définir par la persistance dans la colonie de quantités de varroas trop importantes mettant en danger l’avenir des abeilles et de la colonie. On parle aussi d’infestation résiduelle (nombre de varroas qui ne sont pas morts après le traitement).
(Voir comment évaluer l’infestation au cours de la saison et son interprétation)
Quels sont les causes possibles de cet échec ?
1/ L’efficacité du traitement
Nous aborderons ici la partie « test sur le terrain ».
Comme déjà évoqué, il existe en France des tests d’efficacité effectués chaque année par la FNOSAD, qui suivent un protocole strict de comptage des varroas infestant une colonie et évaluant leur mortalité suite aux différents traitements effectués. Ces tests sont effectués par des apiculteurs volontaires sur quelques centaines de colonies.
Pourquoi un protocole strict et des dates précises ?
L’impact du traitement varroa peut se poursuivre plusieurs jours après l’arrêt de l’application. Certains médicaments sont prescrits en administration unique et ont un effet ponctuel mais une action létale lente dont on constate les effets sur varroa jusqu’à 2 ou 3 semaines, cas de l’acide oxalique. (Charriere,1999) (faucon 2007).
Pour d’autres médicaments testés, on attend en moyenne 9 jours après la fin du traitement avant de mettre en place le traitement de contrôle. Pendant ces neuf jours, on considère les varroas qui continuent à tomber comme faisant partie de ceux ayant été impacté par le traitement. C’est important pour mesurer correctement l’efficacité du traitement.
La première information obtenue par ces tests est l’infestation moyenne en varroa des colonies suivies. Le chiffre est obtenu en comptant tous les varroas morts au cours du traitement testé et ceux qui continuent à tomber après la fin du traitement (pendant le contrôle).
Exemple pour les tests de 2015, l’infestation des varroas dans les colonies testées était de 1703 varroas (en moyenne). (LSA 273 5/6 2016)
Trois autres points sont notés dans les tests effectués :
Le % d'efficacité
Précédemment cité, on attend 95% pour les produits dits chimiques de synthèse et 90% pour les produits dits d’origine naturel.
Que signifie ces chiffres concrètement ?
95% d’efficacité signifie que sur 100 varroas présents, mon traitement en a éliminé 95.

Un concept à maîtriser absolument : l’infestation de base dans la colonie va obligatoirement influencer les résultats d’un traitement de même efficacité.
Par tableau 1 : on note qu’au-delà de 1000 varroas dans la colonie, pour un traitement efficace à 95%, on commence à dépasser les 50 varroas résiduels. En pratique, on note déjà qu’un des objectifs de l’apiculteur est d’essayer de limiter la prolifération du parasite en cours de saison. Mais aussi qu’un traitement complémentaire ou de rattrapage est indispensable.
Les colonies présentant plus de 50 varroas résiduels
C’est-à-dire les colonies dans lesquelles on retrouve plus de 50 varroas après la fin du traitement.
Pourquoi ce chiffre de 50 varroas ?
L’objectif est d’obtenir une population de moins de 50 V. destructor à l’intérieur des ruches pour passer l’hiver. On peut vérifier que cet objectif est bien atteint si moins de 1 chute naturelle d’acarien est observée journalièrement à l’issue de la période d’efficacité du traitement de fin d’été (Imdorf et al, 1996. Imdorf et al, 1999. Animal health, UK, 2017).
Trouver plus de 50 varroas après un traitement de fin de saison :
La colonie est toujours en danger, on peut s’interroger sur l’infestation initiale ou l’efficacité du traitement, difficile de conclure sans un suivi régulier et des comptages précis… mais on doit se poser la question d’un traitement complémentaire dit de rattrapage.
La cinétique de chute
C’est le cumul des chutes de varroas pendant la durée du traitement.
Mise sous forme de courbe (voir schéma suivant), la cinétique de chute nous montre le temps nécessaire pour tomber en dessous de 1000 varroas, l’efficacité du traitement et la durée d’application nécessaire pour l’atteindre.
Légende : simulation d’une cinétique de chute de varroas lors de l’application de trois traitements différents appelés X, Y et Z. Les traits pleins représentent le cumul des chutes de varroas, les barres de pointillés, le seuil atteint de moins de 1000 varroas dans la colonie.
On note que X et Y mettent moins de 4 jours à atteindre le seuil des 1000 varroas, Z met près de 21 jours.
Y reste en dessous de 90% d’efficacité, X atteint 98% et Z 95%.
La durée pour atteindre l’efficacité maximale est de près de dix semaines pour Z, moins d’une semaine pour X. La courbe est grossièrement reproduite d’un résultat de tests effectués en 2015, les médicaments ont été anonymés (schéma inspiré de la santé de l’abeille, 5-52016, pp 193-213)
Pourquoi le chiffre « seuil » de 1000 varroas ?
Il n’y a pas de seuil bien établi au-delà duquel la population de varroa va causer subitement des dégâts à la colonie. Une population de varroa sans conséquences pour une colonie, peut être préjudiciable à la santé d’une autre. Beaucoup de facteurs interviennent, les types de virus portés par varroa et leur quantité, la présence d’autres agents pathogènes dans la colonie, la tolérance des colonies à varroa, des facteurs environnementaux…
Néanmoins, des chercheurs au Royaume-Uni ont admis qu’au-delà de 1000 varroas par colonie, les dommages à celle-ci pouvaient rapidement devenir significatif. Des taux différents ont été évoqués dans d’autres pays. (animal health 2017)
Pour plus de renseignements sur les tests d’efficacité, veuillez consulter le lien suivant : Vandamme J. Tests d’efficacité 2015.LSA n°273 • 5-6/2016, pp193-216
2/Le rôle de l’apiculteur : on reparle des bonnes pratiques d’utilisation du médicament
Sans nommer les médicaments, nous allons évoquer leur mode d’action et d’application.
Ai-je bien respecté la prescription et la bonne application du traitement ?
On rappellera qu’avant de statuer sur une baisse d’efficacité liée à une résistance, il est nécessaire d’analyser les circonstances qui pourraient aboutir à une baisse d’efficacité du produit (Faucon et al., 2007).
Si on reprend l’utilisation des médicaments avec un support de type lanières, nécessitant un contact avec le parasite pour agir et leurs préconisations principales, à savoir :
- contact du médicament avec le couvain et les abeilles
- le temps de contact nécessaire (durée du traitement)
- la différence d’éfficacité évoquée s’il y a présence de couvain
- la nécessité de déplacer les lanières et d’enlever la propolis
on note qu’on va aboutir à une baisse d’efficacité du médicament dans les cas de figure suivants :
La colonie évolue au cours de la saison, la grappe d’abeilles se déplace, certains médicaments doivent être déplacés pour continuer leur action. La photo suivante montre les comptages de varroa d’une colonie avec une moitié du traitement (nécessitant un contact) dans le couvain, l’autre dans les réserves (suite à une absence de repositionnement), les chutes sont observées uniquement avec la lanière dans le couvain (à droite sur le lange de comptage).
La posologie n’est pas respectée par mauvaise application du traitement, une seule lanière a été bien positionnée au lieu des deux recommandées.
Toujours concernant la position du traitement et les produits de « contact » : si le traitement est mal positionné dans la colonie, son action sera entravée. Poser sur la tête des cadres une lanière qui doit être appliquée dans le couvain est complètement inefficace, et ce n’est pas du fait du médicament.
La T° extérieure au moment de l’utilisation est aussi importante pour les produits qui doivent s’évaporer : trop froid et le produit ne diffusera pas suffisamment. Trop chaud et la diffusion peut devenir trop rapide et incommoder les abeilles.
Ce phénomène lié à la T° est valable aussi pour les médicaments de contact appliqués en période froide, mais pour une raison différente. Il faut savoir qu’en se déplaçant les abeilles aident à mettre le produit en contact avec les varroas. En période plus froide, l’activité des abeilles au sein de la colonie sera plus réduite et la diffusion du produit actif sera moindre.
Nourrir au moment de l’application du traitement va occasionner une « agitation » dans la colonie bénéfique pour améliorer la mise en contact des varroas avec le traitement.
Si on traite en présence de couvain operculé (fréquemment le cas en fin d’été), cela protègera les parasites présents dans les cellules. Ces V. destructor seront exposés à la molécule acaricide au maximum 14 jours après le début du traitement. La présence de couvain au moment du traitement explique en partie l’importance des durées d’application pour les médicaments de contact : varroa pendant sa phase de reproduction est dans le couvain, à l’abri des traitements qui sont appliqués dans la colonie (une seule molécule est réputée atteindre varroa dans les cellules operculées).
Ce statut « hors couvain » est valable pour améliorer l’efficacité de toutes les molécules, la mise en contact sera facilitée si les varroas sont phorétiques et donc l’efficacité augmentée.
L’acide oxalique nécessite ce statut hors couvain, qu’on peut obtenir en conditions naturelles ou en utilisant des mesures biotechniques. (voir lutte alternative)
Durée d’application : le temps de contact du parasite avec le traitement est primordial, s’il est écourté, le médicament ne pourra pas agir correctement.
Exemple concret : un médicament est prescrit pour une application de dix semaines, pour des raisons personnelles, l’apiculteur l’enlève après 6 semaines, une frange de la population varroa pourra échapper au contact avec le médicament.
Autre impact de la durée d’application : Certaines molécules sont liées à un support particulier (lanières ou languettes pour l’évaporation), ces supports doivent être appliqués en respectant la durée prescrite par le vétérinaire et retirés après le délai d’application recommandé, les enlever trop tôt risque de limiter l’efficacité (manque de temps de contact avec le médicament ou réduction du temps de diffusion d’un produit qui doit s’évaporer).
Les laisser alors qu’ils ne contiennent plus assez de médicament peut permettre aux acariens d’être mis en contact avec des doses trop faibles pour les tuer, on favorise alors l’apparition d’une résistance.
Il existe une posologie recommandée (dose adéquate pour obtenir l’effet désiré) notamment selon le volume des ruches (une Dadant est différente d’une Langstroth ou d’une warré) ou la taille de la colonie (nombre d’abeilles différent dans une ruchette par rapport à une ruche). Ne pas respecter les doses prescrites (une lanière au lieu de deux à appliquer par exemple) est une mauvaise pratique qui débouchera sur un échec.
3/La résistance au traitement
Résistance : Le parasite n’est pas tué par le produit appliqué, il le tolère.
De nombreuses études concernant la résistance aux acaricides utilisés en France et dans le monde font suspecter l’émergence de ce phénomène ou l’ont confirmé depuis longtemps. (Bonnafos et al, 2010), (Elzen et al 1999. Samatarro et al 2005. Milani 1999), (LODENASI et al., 1995)
Quels sont les mécanismes de résistance connus chez les insectes ou les acariens.
On parle de résistances comportementales, physiologiques ou biochimiques, (Haubruge et al), les explications suivantes sont d’ordre générale et ne concernent pas toujours varroa, il n’y a pas de certitudes de l’implication des deux premières résistances citées chez Varroa (Mallick) :
- Résistance comportementale : reconnaitre et éviter le contact avec le toxique, soit en fuyant, soit en choisissant l’immobilité pour éviter de s’imprégner davantage. Ou encore occuper des zones moins traitées ou non traitées par le pesticide.
- Adaptation physiologique : soit empêcher le toxique de rentrer, en augmentant l’épaisseur de la cuticule (carapace) par exemple. Soit le faire sortir, l’éliminer plus vite.
- Résistance biochimique :
– Soit par amélioration des systèmes de détoxication (action de rendre inefficace un poison ou une toxine), les insectes et les acariens possèdent les outils (enzymes) permettant le fonctionnement de la détoxication.
Concernant varroa et la détoxication, dans les lignées de parasites où une molécule a fait preuve d’une inefficacité totale, l’accroissement de l’activité des enzymes « monooxygénases » a été quantifié vingt fois supérieur à leur activité chez les souches sensibles (qui ne résistaient pas).
– Soit par modification des cibles des insecticides (par mutation) : pour agir, le pesticide se fixe sur une cible (un récepteur), souvent au niveau du système nerveux de l’insecte ou de l’acarien. (Voir schéma cible insecticide). Si cette cible est modifiée, le produit ne peut plus se fixer et agir. Autre manière de résister identifiée chez varroa. (Mallick 2013)
De manière simplifiée, le schéma ci-dessus explique la résistance d’un varroa à une molécule insecticide par modification/mutation de sa cible/son récepteur. Schéma du dessus ; Le principe actif (rond vert et blanc) est appliqué, il peut se fixer à sa cible (dans l’organisme de l’acarien) et va ainsi provoquer une réaction : incoordination, paralysie, affaiblissement.
Schéma du dessous ; la cible/le récepteur a été modifié, le principe actif ne peut plus s’y fixer, il n’y aura pas l’effet escompté, l’acarien n’est pas incommodé.
Pourquoi la résistance pose-t-elle un problème ?
Si suite à l’application d’un acaricide certains varroas survivent et sont devenus résistants, ils continuent à se reproduire et peuvent transmettre cette résistance à leurs descendants et ainsi de suite…On peut alors aboutir au cours du temps à des populations de parasites résistants à certains acaricides. Les abeilles bougent (elles essaiment ou l’homme les transporte), les varroas résistants peuvent les accompagner.
Légende multiplication de population de varroas résistants. (Inspiré de Mallick, 2013. Principe de sélection de lignées résistantes dans une population d’agents pathogènes, p117).
Si le traitement perd de son efficacité, une partie des varroas va survivre après le traitement, on pratique une sélection aboutissant à la multiplication de varroas de plus en plus nombreux à résister au traitement. Sélection d’autant plus marquée si on utilise toujours le même traitement.
Les varroas sont représentés par les boules : blanches= pas de résistance à l’acaricide et plus la couleur est foncée, plus le varroa est résistant.
Les moins résistants « couleurs claires » seront éliminés par le traitement, les « varroas foncés » résistants survivent et se multiplient.
Le phénomène de réversion de résistance
En l’absence de pression des insecticides, une baisse de la fréquence des individus résistants peut être observée. Ce phénomène s’appelle la réversion et peut être exploité dans les programmes de gestion de la résistance. Une étude de MILANI et DELLA VEDOVA sur le phénomène de réversion a été réalisée en suivant l’évolution d’acariens résistants dans des populations naturelles, non traitées avec un même médicament depuis 5 ans. Des varroas issus de 7 ruchers isolés et ne pratiquant pas la transhumance ont été recueillis afin d’évaluer leur résistance à une forte concentration de ce médicament. La proportion de varroas résistants dans ces colonies a été mesurée de 1997 à 2000. Les résultats obtenus révèlent une diminution progressive de la proportion de varroas résistants après 5 ans de non utilisation de cette molécule.
Cette notion est à intégrer dans la fréquence d’utilisation de molécules pour lesquelles une résistance a été identifiée.
Comment lutter contre l’apparition des résistances ?
Dans le cas de Varroa destructor, les modalités d’exposition aux antiparasitaires sont un élément primordial dans l’apparition des résistances. En effet, la majorité des acaricides disponibles sur le marché ne permettent d’éliminer que les varroas phorétiques et pas ceux qui sont protégés dans le couvain operculé. Les médicaments ont donc une libération prolongée dans le temps, dont les concentrations diffusées diminuent au cours du traitement. Le risque vient alors en fin de traitement, lorsque les doses deviennent trop faibles pour éliminer l’ensemble des varroas phorétiques restant, ce qui favorise la sélection des souches résistantes.
Ainsi, le non-respect des conseils d’utilisation des produits, notamment des durées préconisées, est une cause fréquente de développement de résistances (par exemple, laisser les supports d’un traitement pendant toute la saison hivernale, au-delà du délai d’application prescrit). (Mallick, 2013)
A noter qu’on a vu des modifications des préconisations des durées d’application (en augmentation) de certaines molécules utilisées.
On comprend mieux aussi l’importance de surveiller l’efficacité des traitements proposés, donc suivre les évolutions des populations de varroa dans les colonies.
Signaler tous les cas de non efficacité suspectés d’un traitement et les investiguer.
Combiner les méthodes de luttes : chimiothérapie (les médicaments) et les méthodes alternatives par exemple.
Éviter de sélectionner des souches résistantes de varroa en utilisant toujours la même molécule. On parle d’alternance des traitements.
Une mauvaise pratique majeure dans la lutte contre varroa est la préparation de traitement « maison » par l’apiculteur, à partir de produits contenant les mêmes molécules que les produits avec AMM mais utilisés pour d’autres indications en médecine vétérinaire ou en lutte phytosanitaire (traitement des plantes contre des ravageurs par exemple). Les protocoles adoptés induisent une action immédiate et non rémanente (qui ne dure pas dans le temps) du produit pourtant indispensable contre ce parasite. En l’absence de protocoles précisément décrits, l’efficacité de ces pratiques doit être passablement inconstante, et doit aussi contribuer à l’émergence de résistances. (Faucon,2007)
La pharmacovigilance
Définition de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM):
« La pharmacovigilance est la surveillance des médicaments et la prévention du risque d’effet indésirable résultant de leur utilisation, que ce risque soit potentiel ou avéré ».
A l’échelle animale, la surveillance des effets des médicaments vétérinaires est réalisée grâce au système de pharmacovigilance vétérinaire qui est pleinement opérationnel depuis 2002. L’efficacité du dispositif repose sur les déclarations spontanées qui, aujourd’hui, sont transmises dans plus de 90 % des cas par les vétérinaires.
L’abeille est intégrée dans ce système.
Quand on évoque la pharmacovigilance, on pense d’abord aux effets secondaires suite à l’administration d’un médicament ; pour les mammifères, mortalité, vomissements, fatigue, réaction cutanée… Pour les abeilles, une mortalité, une désertion, un remérage, …
On oublie souvent qu’un manque d’efficacité (par rapport à l’efficacité attendue), qui peut être l’indicateur d’un éventuel développement de résistance) fait partie des cas à déclarer.
C’est ce qu’on attend des apiculteurs qui suivent leurs colonies au plus près, signaler les cas suspects d’infestations des colonies après un traitement. Le signalement sera toujours enregistré et une enquête sera réalisée pour vérifier la relation possible avec une résistance avérée. L’ANSES étant informée, elle signalera le cas au laboratoire « propriétaire » du médicament.
Ces signalements peuvent aboutir à des modifications des recommandations d’application ou dans les cas extrêmes à un retrait pur et simple du médicament.
Ces signalements font partie de la lutte contre varroa.
On a évoqué le non-respect des bonnes pratiques, l’efficacité, la résistance…Qu’en est-il de la recontamination des colonies après un traitement ?
On peut définir la recontamination/ré infestation d’une colonie par varroa par la capacité que possède le parasite à réenvahir une colonie qu’on avait débarrassé de ses parasites.
Les taux de ré-infestations sont plus bas au printemps, augmentent en juillet/aout et peuvent exploser en septembre et octobre. Période à laquelle il a été constaté des invasions de plus de 70 varroas par jour et par colonie. (Greati,1992). Ces varroas peuvent notamment provenir de ruchers voisins qui n’ont pas été traités correctement ! Si ces recontaminations s’additionnent et que la colonie produit encore du couvain, elles peuvent mettre en péril sa survie hivernale. (Faucon 2007). C’est un constat qui pousse également à respecter scrupuleusement les temps d’application des traitements.
Et à se poser la question de la gestion dans les ruchers voisins ? On aborde la lutte collective !
La recontamination des ruchers est un phénomène à prendre en compte dans le suivi des colonies après le traitement de fin d’été, s’il se produit, il peut amener l’apiculteur à effectuer un traitement de rattrapage en période hivernale.
Au final, quel est la place des médicaments dans le protocole de lutte ?
Auparavant, on estimait qu’un traitement médicamenteux réalisé en fin de saison (à partir d’aout) était suffisant pour gérer varroa et ses ravages. Cette logique étant en partie basée sur le seuil critique de contamination de la colonie à ce moment de la saison, mais aussi sur l’utilisation obligatoire « hors miellée » des médicaments.
Qu’en est -il aujourd’hui ?
Dans l’ordre, lutter contre varroa,
C’est à tout moment, maintenir l’infestation en dessous d’un seuil dommageable à la santé de la colonie. Même en saison, pas seulement en fin d’été.
C’est donc vérifier régulièrement le taux d’infestation des colonies pour anticiper la gestion d’une infestation trop forte.
C’est impérativement protéger les abeilles d’hiver (et leurs nourrices) des conséquences du parasite.
C’est amener les colonies à l’hivernage à un seuil inférieur à 50 varroas et viser un redémarrage des colonies dans ces limites.
C’est ralentir la prolifération du parasite , parfois dès l’hiver et jusqu’ à la fin de l’été pour optimiser les traitements en ayant à l’esprit leur efficacité.
C’est donc intégrer les efficacités de chaque médicament utilisé et les limites de ces traitements.
C’est de surveiller les infestations résiduelles et les recontaminations éventuelles pour éviter une prolifération du parasite après le traitement.
Aujourd’hui on se doit de réfléchir à une lutte intégrée et collective qui fait appel au suivi de l’infestation et à l’utilisation de tous les moyens de lutte permettant de compléter ou d’améliorer l’utilisation des médicaments connus à ce jour.
Conclusion
- Toutes les bonnes pratiques d’utilisation du médicament et leur respect sont autant de facteurs qui permettent de lutter contre l’apparition de résistance, c’est la règle de base.
- La lutte contre le parasite ne doit pas se résumer à détruire le parasite en fin de saison, après la dernière miellée. L’apiculteur doit entreprendre une gestion qui limite sa prolifération tout au long de l’année pour obtenir des infestations les plus réduites possibles (moins d’impact sur les abeilles et en accord avec les efficacités attendues des traitements).
- Suivre les infestations avant et après les traitements est donc primordial, si on constate des chutes importantes de varroas après la fin d’application du traitement, il faut rapidement se poser la question d’un traitement de rattrapage.
Il aura deux effets :
– Assainir une colonie qui est amenée à souffrir ou disparaître car varroa est encore présent en trop grande quantité.
– Gérer les parasites qui ont survécu élimine aussi le risque de laisser des varroas potentiellement résistants se multiplier et diffuser dans les autres colonies ou ruchers.
- La diffusion de varroa entre les colonies et entre les ruchers montre s’il en est besoin que la gestion du parasite est l’affaire de tous, on aborde la lutte collective.