c. Les bonnes pratiques d’utilisation du médicament vétérinaire.

En premier lieu, 5 questions à se poser avant d’utiliser un médicament !

  • Respecte-t-il la règlementation ?
  • N’est-il pas dangereux pour l’opérateur ?
  • N’est-il pas dangereux pour les abeilles ?
  • Est-il efficace ?
  • Risque-t-il d’engendrer des résidus dans les produit de la ruche ?

Les réponses à ces questions vont également nous faire réfléchir aux bonnes pratiques d’utilisation d’un médicament.

 

Respecte-t-il la règlementation ?

N’utiliser que des médicaments vétérinaires autorisés et mis sur le marché pour les abeilles sous leur formulation apicole, selon les modalités recommandées par l’étiquetage, notice ou ordonnance vétérinaire. (Cari, 2009)

(Voir cas des huiles essentielles dans chapitre consacré)

Une ordonnance doit obligatoirement accompagner certains médicaments qu’on qualifie de « soumis à prescription », c’est également mentionné dans le RCP. (Voir prescription)

Elle vous apportera les indications sur l’utilisation du médicament.

Les circuits de distribution sont clairement définis et strictement encadrés par le code de la santé publique. Ainsi, les entreprises du médicament vétérinaire ou les grossistes ne peuvent distribuer directement les produits aux utilisateurs (éleveurs ou propriétaires d’animaux de compagnie).

Excepté pour certains antiparasitaires externes (APE) destinés aux animaux de compagnie, la délivrance au détail est réservée aux ayants droits. (Ministère de l’agriculture et de la pêche. Décret n° 2007-596 du 24 avril 2007). (Ministère de la santé et des solidarités et ministère de l’agriculture et de la pêche. Arrêté du 24 avril 2007).

Après une visite et un bilan, le vétérinaire rédigera une ordonnance concernant les soins à apporter afin de vous apporter les conseils de base de l’utilisation du médicament. Vous pourrez constater que même non soumis à ordonnance, certains médicaments ne sont pas dénués d’effets indésirables ou de contraintes d’administration. (Ministère de l’agriculture et de la pêche. Décret n° 2007-596 du 24 avril 2007). (Ministère de la santé et des solidarités et ministère de l’agriculture et de la pêche. Arrêté du 24 avril 2007).

Vous avez également accès à la notice ou au RCP, ce qui permet de compléter les informations fournies par l’ordonnance.

La première des bonnes pratiques est donc de respecter les conditions d’utilisation prescrites par les professionnels de santé et de respecter la RCP.

Les ordonnances sont à conserver dans votre registre d’élevage (voir annexe détaillée). Elles sont la première preuve de votre respect de la bonne utilisation du médicament. Le numéro de lot du médicament y est inscrit, un suivi (une traçabilité comme on l’appelle) est toujours possible grâce à cela.

En savoir plus sur le registre d'élevage

Le registre d’élevage

Le registre d’élevage (Ministère de l’agriculture et de la pêche. Arrêté du 5 juin 2000) est un support, autorisé sous forme papier ou informatique, qui permet à l’apiculteur d’encoder toutes les données importantes de son exploitation. Ce registre est obligatoire quel que soit le nombre de ruches !

Il regroupe :

  1. Caractéristiques de l’exploitation (détenteur, adresse, sites exploités, espèces détenues)
  2. Encadrement zootechnique, sanitaire et médical de l’élevage (nom des organismes sanitaires auxquels l’apiculteur adhèrent, des vétérinaires intervenant sur l’exploitation…).
  3. Identification et traçabilité des animaux (entrée et cause de sortie et destination des animaux).
  4. Entretien et soin des animaux (produits administrés, résultats d’analyses, ordonnances, interventions effectuées par l’éleveur…)
  5. Interventions des vétérinaires (observations générales et diagnostics concernant les animaux malades, traitements administrés ou prescrits…).

N’est-il pas dangereux pour l’opérateur ?

La réponse parait couler de source,

Évidemment, le traitement ne doit pas être dangereux pour l’utilisateur… mais ce n’est pas si simple ! On utilise des molécules acaricides dont certaines sont volatiles ou sont des acides organiques. Des précautions sont à prendre.

Quelques exemples :
On utilise des acides organiques dans la lutte contre varroa, l’acide oxalique est reconnu dans la catégorie des substances vénéneuses pour l’homme, son ingestion peut conduire à de graves conséquences.

Un autre acide peut provoquer des brûlures de la peau et des lésions oculaires graves (fiche toxicologique de l’institut de recherche et de sécurité, INRS).

Les autres molécules peuvent avoir des effets néfastes par inhalation ou ingestion et occasionner des troubles digestifs, nerveux…

On en revient une fois de plus au respect des conditions d’utilisation et des précautions d’emploi : relire les notices !

Comme pour toutes espèces les médicaments sont utiles, encore faut-il bien les utiliser !

N’est-il pas dangereux pour les abeilles ?

On veut lutter contre varroa, pas nuire aux abeilles.

Il faut avoir à l’esprit que l’on lutte contre un acarien qui vit au sein d’une colonie d’insectes, il est difficile d’atteindre l’un sans conséquences pour l’autre. C’est le rôle de l’AMM et de sa procédure d’obtention de vérifier ce point.

Encore une fois le respect des conditions d’utilisation du produit est primordial !

Il faut toujours avoir en tête la balance bénéfice/risque quand on fait le choix d’une molécule, en intégrant le moment d’application, les effets secondaires…

 

Risque-t-il d’engendrer des résidus dans les produit de la ruche ?

Quand on évoque les résidus dans les produits de la ruche, on pense immédiatement au miel et à sa consommation par l’homme.

Concernant le médicament vétérinaire appliqué, un résidu est une substance présente sur ou dans un produit alimentaire. Un seuil réglementaire dans les denrées alimentaires dit limite maximale de résidus (LMR) est ainsi défini en tenant compte de la toxicité de la substance et de l’exposition possible du consommateur de ces denrées alimentaires d’origine animal.

Au-delà de ce seuil, la commercialisation de la denrée n’est pas autorisée. ( Union européenne. RÈGLEMENT (UE) No 37/2010 DE LA COMMISSION du 22 décembre 2009)

Le temps d’attente est défini de façon à ce que les denrées alimentaires issues des animaux traités avec un médicament vétérinaire ne contiennent pas de résidus à des concentrations au-dessus des LMR. C’est le délai entre la dernière application du médicament et la mise à consommation des animaux traités ou de leurs denrées. Le temps d’attente est le temps à respecter entre la dernière administration du médicament à usage vétérinaire et la collecte des denrées alimentaires (dans notre cas la récolte de miel), ou la période durant laquelle le miel ne peut pas être utilisé pour la consommation humaine. A l’issue de ce temps d’attente, la teneur en substances actives (ce qu’on qualifie de résidus) provenant du médicament est suffisamment basse pour être considérée comme inoffensive.

On va rediscuter de ces trois points dans l’efficacité et la résistance.

Si vous lisez en détail la RCP, on y parle :

Du temps d’attente établi, qui correspond à la posologie et à la voie d’administration notifiée.

On se doit de respecter les modalités d’application du médicament décrites dans le chapitre posologie, voie d’administration et temps d’attente pour ne pas risquer d’engendrer des résidus.

Un exemple évident : appliquer le traitement pendant une miellée alors qu’il est noté de le faire hors miellée risque de conduire à l’apparition de résidus dans le miel.

On a cité les substances naturelles utilisées dans la lutte contre varroa le thymol en est un exemple.

C’est une molécule retrouvée naturellement dans le miel (Wallner, 1999). Elle peut s’accumuler dans la cire, et dans le miel mais sa concentration décroît au fil du temps (Lodesani et al, 1992).

Dans certains cas d’utilisation du thymol en saison apicole, des modifications du gout du miel ont pu être constatées. A noter que la Suisse, contrairement à l’Europe, a fixé des limites de résidus du thymol dans le miel : 0.8 mg/kg. (Bogdanov, 2006).

Un autre aspect des résidus des denrées des produits de la ruche à prendre en considération dans la colonie est le risque de contamination de la cire.

La cire d’abeille relève des sous-produits animaux. C’est un sous-produit animal issu de la fabrication du miel, produit destiné à la consommation humaine. (Règlement (CE) n° 142/2011 qui porte application du règlement (CE) n° 1069/2009), (Schryve 2016).

Les sous-produits animaux sont classés en trois catégories en fonction du degré de risque qu’ils présentent pour la santé publique. Ceux de catégorie 1 sont les plus à risque et ceux de catégorie 3 les moins à risque. La cire d’abeille est classée dans les sous-produits apicoles de catégorie 3.

Principalement la cire a pour destination finale la vente aux apiculteurs pour la restauration des cadres de ruches.

De manière générale, que ce soit en apiculture conventionnelle ou biologique, la réglementation ne définit aucun seuil à respecter concernant les contaminants de la cire d’abeille. (Shryve, 2016)

Les principaux contaminants retrouvés dans les cires sont :

  • Des médicaments utilisés en apiculture pour combattre certaines maladies des abeilles, ce sont majoritairement des acaricides utilisés pour lutter contre Varroa.
  • Des pesticides utilisés en agriculture, il peut s’agir d’insecticides, fongicides ou herbicides.

La cire d’abeille est connue pour accumuler progressivement ces contaminants. (Lodesani et al., 1992). (Wallner, 1999). (Bogdanov, 2006)

Certaines molécules liposolubles ne sont pas stables dans la cire (Hollingworth,1976) et peuvent être dégradées complètement en différents autres composants après 3 à 4 semaines. (Lodesani,1992). Ceci pour vous signaler qu’en cas de recherche, on ne trouvera pas toujours la molécule sous sa forme d’origine, ça ne signifie pas qu’il n’y a pas de résidus.

La majorité des traitements utilisés pour lutter contre varroa sont appliqués dans le corps de ruche (là où se trouve le couvain et donc varroa), ce sont donc les cires situées à ce niveau qui sont le plus susceptible d’accumuler les résidus de traitement au cours des années. C’est là qu’on aborde l’intérêt du renouvellement des cires et l’intérêt d’éliminer les cires de corps plutôt que de les réutiliser dans les colonies.

En savoir plus sur le renouvellement des cires

Renouvellement des cires

On parle souvent du renouvellement des cires dans les bonnes pratiques apicoles. (Cari bonnes pratiques, 2009).

Généralement, on conseille de renouveler les cires d’une colonie à hauteur de 30 % par an pour éviter l’accumulation de microorganismes (champignons, bactéries, virus…), mais aussi, on vient de le dire pour éviter l’accumulation de résidus (dont ceux liés à la lutte contre varroa).

Un exemple de l’intérêt du renouvellement concernant varroa destructor :

Il envahit préférentiellement les cellules de couvain les plus larges, on s’attendrait à ce que les cellules de couvain des vieilles cires, avec une taille réduite (due à la réutilisation successive et à l’accumulation des déchets de cocons) soient moins infestées que dans les nouvelles cires.

Dans une expérience menée sur l’attractivité de varroa pour le couvain d’ouvrière (Piccirillo, 2004), la moyenne d’infestation des vieilles cires par varroa était plus importante (près du double) que celle des nouvelles. Les vieilles cires contiennent beaucoup de substances issues des résidus des cocons, des phéromones du couvain, des composants des cuticules qui pourraient jouer un rôle dans cette attractivité.

On y voit un intérêt supplémentaire au renouvellement régulier des cires.