b. L’essaimage naturel/La création d’un essaim artificiel
Les essaims naturels et artificiels ; quelques chiffres.
Le sujet a été abordé dans la partie moyens de défense innés, l’essaimage. On constate qu’un essaimage qu’on laisse se dérouler naturellement correspond sur la colonie qui se remère à un traitement d’une efficacité de l’ordre de 75 %. (Kuppens 2011)
Dans le cas d’un essaimage naturel, la lutte contre varroa s’effectue essentiellement au travers de la rupture de ponte dans la partie qui se remère, c’est ce schéma qu’on applique dans d’autres moyens de lutte et qui reviendra souvent dans les discussions.
La perte des varroas phorétiques partis avec l’essaim est moins significative en termes de gestion varroa.
L’essaim naturel recueilli ; « propre » et indemne de varroa, vrai ou faux ?
Faux. Sans aborder les autres maladies transmissibles, attardons-nous sur varroa.
Supposons 80% des varroas dans le couvain et 20 % de phorétiques dans la souche en pleine saison d’essaimage, supposons que l’essaim (naturel) emporte 40 % des abeilles : il emporte donc aussi 8% des varroas.
Pour 70 % de varroas dans le couvain, l’essaim emportera 12% des varroas…
L’infestation de l’essaim est corrélée au nombre de varroas phorétiques dans la souche. Il y a bien une baisse de la pression parasitaire, mais l’essaim est bien porteur de varroas qui vont rapidement trouver de quoi se multiplier.
Le nucléus ou l’essaim artificiel
C’est un essaim produit par l’apiculteur à partir d’une colonie forte, en « ordre de marche », souvent pour multiplier le cheptel, aussi pour tenter de limiter le phénomène d’essaimage naturel.
De manière très simplifiée, il consiste à prélever des cadres dans la colonie « forte » (couvains, réserves) et des abeilles, et de faire remérer l’essaim formé.
Si ce nucléus comprend environ 50 % du couvain operculé et 6 à 8000 abeilles, on réduit la population de varroas de la colonie mère d’environ un tiers. (Imdorf A., 2003).
Au final, avec un nucléus, on répartit la pression varroa sur deux colonies au lieu d’une !
A cette baisse de pression, on vient ajouter la rupture de ponte dans la colonie en remérage.
C’est cette notion de rupture de ponte qu’il faut comprendre et intégrer, c’est cet effet qu’on cherche à imiter dans beaucoup de mesures biotechniques de lutte contre varroa. Ainsi qu’une période sans couvain operculé qui peut aussi se présenter.
Quelques notions et définitions importantes pour comprendre quand et où se passe la rupture de ponte.
On qualifie de colonie mère ou souche, la colonie d’où part l’essaim naturel.
Essaim naturel qui est appelé colonie fille.
Lors d’essaimage naturel, le premier essaim qui quitte la colonie part avec la reine âgée, c’est l’essaim primaire, parfois d’autres essaims quittent la colonie, alors avec une reine vierge, ce sont les essaims secondaires, tertiaires…
Pour les essaims artificiels ;
Souche et fille aussi, mais selon les techniques, quand on produit un essaim artificiel ;
-soit la reine reste dans la souche et la fille (l’essaim créé par prélèvement de cadres dans la souche) se remère naturellement ou reçoit une cellule royale de la part de l’apiculteur. C’est lui qui présente une rupture de ponte.
-soit la reine est enlevée avec une partie des cadres (en cas de risque accru d’essaimage par exemple), et la colonie orpheline (colonie sans reine) se remère (naturellement ou par introduction de cellules royales…)
L’apiculteur choisit parfois d’introduire une reine vierge ou fécondée et en ponte dans l’essaim créé. La technique choisie aura un impact sur la rupture de ponte et sa durée !
Note : dans les schémas d’essaimage et de rupture de ponte, on note j1 comme le dernier œuf pondu et le départ de l’essaim, en réalité la ponte s’arrête un peu avant l’essaimage, cette petite entorse permet de donner une base chronologique à la rupture de ponte, qui est donc un peu plus longue au final. |

Le schéma ci-dessus vous donne les étapes d’un essaimage (sans essaim secondaire) avec une estimation des moments clés du remérage.
J1 correspond au départ de l’essaim, on voit la ponte se ralentir puis arrêtée juste avant l’essaimage. Par simplification, on notera par la suite j1= le dernier œuf pond/départ essaim, en réalité la ponte s’arrête quelques jours avant l’essaimage.
Cela vous permet de visualiser les délais nécessaires à la reprise de ponte par la suite. Ces délais sont très théoriques, le délai de maturité de la reine est variable, le vol de fécondation est dépendant aussi du climat, donc la reprise de ponte ne se produit pas à une date fixe !
La période de remérage dans la colonie orphelinée :
Quand la colonie se prépare à essaimer, on observe une forte réduction de la ponte de la reine jusqu’à l’arrêt total avant son départ. L’essaim part normalement lors de l’operculation des nouvelles cellules de reines.
La reine âgée est partie avec l’essaim (primaire) :
Si les cellules royales viennent d’être operculées (ou en passent de l’être) ;
-il faut attendre 6 à 8 jours avant la naissance d’une reine (voir schéma développement reine).
-Ensuite, 5 à 6 jours après l’émergence pour qu’elle devienne mature.
-Viendront alors les vols de fécondation à l’âge de 6 à 10 jours. Les vols de fécondation (jusqu’à trois) sont bien sûr dépendant du climat.
-Puis la reprise de ponte : 3 à 5 jours après la fécondation.
Bilan de la rupture de ponte (théorique, sans contrainte climatique) : de 15 jours à 23 jours. (Lehnherr, 2003)
Les œufs seront operculés 9 jours plus tard, le cycle a repris et pour varroa aussi.
Dans le cas d’un essaimage secondaire (départ d’un deuxième essaim avec reine vierge cette fois), il faut ajouter encore 2 à 3 jour de plus.
En cas de création d’un nucléus, si les cellules royales sont déjà présentes et sans intervention extérieure on est plus ou moins dans le même cas de figure.
On réduit le délai de rupture de ponte par l’introduction d’une cellule royale ou d’une reine vierge ou fécondée. On peut l’augmenter en détruisant l’élevage royale neuf jours après la création de l’essaim et en introduisant une cellule royale à ce moment-là.
Ces délais sont facilement estimés.
En pratique, le remérage naturel voit souvent un délai de trois à quatre semaines avant la reprise de ponte.

Dans le schéma ci-dessus, on superpose le cycle de l’essaimage à celui des cycles de développement des mâles et des ouvrières.
On note la période sans ponte (de j1 à la reprise de la ponte de la jeune reine fécondée). Au plus tard à J24, tout le couvain aura éclos. Pendant cette période sans nouveau couvain, tous les varroas naissants deviennent obligatoirement phorétiques, en attendant le développement des premiers œufs pondus et la possibilité d’aller parasiter les larves avant l’operculation.
Il existe un créneau sans couvain operculé et avec des varroas accessibles à un traitement !
Ces schémas sont très théoriques et ne tiennent pas compte des facteurs climatiques, la reprise de ponte pourra encore être décalée de quelques jours.
La période sans couvain operculé
Après le départ de l’essaim ou la formation du nucléus, les derniers œufs pondus dans la « colonie mère » vont être operculés et 21 jours (ouvrières) à 24 jours(faux-bourdons) plus tard les varroas sortiront des dernières cellules à naître et seront alors tous phorétiques. (Voir schéma essaimage et rupture de ponte)
Dans l’essaim naturel (primaire= avec la reine âgée en ponte) :
Il trouve un nouveau logis, si vous le recueillez sur cires neuves, les abeilles construisent immédiatement et la reine repond. Les femelles varroa retrouvent rapidement du couvain à parasiter ! Juste une dizaine de jours de latence, le temps d’allonger la cire (construire un cadre neuf) et d’operculer le couvain 9 jours après la ponte.
S’il est mis sur cires neuves, on observe dans cet essaim recueilli une courte période sans couvain fermé qui peut également être mise à profit pour pratiquer un traitement à l’acide oxalique.
L’impact sur varroa
Quand varroa est devenu phorétique, les mortalités naturelles des acariens ou les chutes provoquées par les abeilles (épouillage) vont atteindre leur maximum. L’impact de tous ces facteurs sur la dynamique de population des varroas va dépendre du comportement des abeilles, de la période de rupture de ponte (vitesse de remérage) et de la capacité des femelles fondatrices à maintenir leur capacité de ponte après un arrêt plus ou moins important.
Avantages et inconvénients


Pour l’apiculteur, laisser essaimer ne semble pas être la solution à développer. (voir photo ci-dessus)
Il ne faut pas perdre de vue que la colonie mère perd un énorme potentiel d’abeilles et que la récolte se trouve compromise dans ce cas.
Les essaims disparaissent dans la nature (apiculteur pas toujours présent pour les récupérer) ou chez un voisin (pas toujours content).
Tous les remérages ne fonctionnent pas et c’est alors une colonie perdue pour la saison.
Créer un essaim fait par contre partie du suivi « classique » d’un élevage apicole, il suffit d’y intégrer les données précédentes pour améliorer la gestion de varroa.
points à retenir :
La recherche de rupture de ponte afin d’améliorer la lutte contre varroa. Vous verrez que la majorité des méthodes de piégeage ou d’encagement de reines s’inspirent de près ou de loin de l’essaimage naturel, les délais étant calqués sur ce qui se passe dans la nature et le cycle biologique de l’abeille. La période sans couvain ou pour le moins sans couvain operculé, qui peut être l’occasion d’un traitement, on pense bien sur à l’acide oxalique dont l’efficacité est liée à ce statut « hors couvain ».
Lors de la production de nucléis, on peut aussi augmenter la durée de rupture de ponte en détruisant l’élevage royale naturellement produit par les abeilles, neuf jours après la production de l’essaim et en introduisant une cellule royale prête à naître.
Enfin, si vous pratiquez des comptages, il est important de savoir si les colonies contrôlées ont essaimé ou non, cela aura évidemment un impact sur la pression varroa de la colonie testée.